February 20, 2012

Les tribus de cannibales


Le mot espagnol "canibal" vient du mot "karibna" qui, en langue des anciens indiens Caraibes, signifie "gens". Les explorateurs de l'époque les croyait anthropophages. Certains savants le croient encore, en particulier les partisans de Marvin Harris, anthropologue controversé de l'université de Floride.

Les peuples Caraibes avaient coutume de conserver, dans leurs maisons, les ossements de leurs ancêtres. Leurs maisons étant des huttes de tailles somme toutes assez réduites, je vous laisse imaginer le décor.

La reine de Castille-et-León, la ravissante Ysabel I, aurait dites aux explorateurs et colons que de massacrer ou réduire en esclavage les tribus pratiquant le cannibalisme était tout à fait acceptable voire même un devoir de chrétien. Avec cette possibilité d'accaparer en même temps les terres et la main d'oeuvre pour y travailler, vous vous doutez bien que ces pauvres tout-nus aux maisons décorée en nécropoles, on a pas trop pris le temps de vérifier si c'était du poulet ou non...

Les sauvages tribus de cannibales aux dents taillées en pointe, donc, ça reste è prouver...

Mais la réalité historique et l'anthropologie, les cinéastes de séries-z italiens des années 1970, ils s'en câlisse pas à peu près.

Les films de cannibales tirent leurs origines des films de jungle des années 30 et 40, en particulier les films de Tarzan. Ce répertoire, déjà, avait exploité tous les thèmes: animaux féroces, amazones, jeune sauvageonne blonde à demi nue et, bien-sûr, les tribus de cannibales. Mais la plus grande influence demeure le film de 1966 The Naked Pray même si celui-ci ne contient pas de cannibales.


Film produit, réalisé et mettant en vedette Cornel Wilde, The Naked Prey raconte l'histoire d'un homme blanc qui, suite à une bévue, est pourchassé par une tribu de zoulous en colères. C'est un excellent film.

Outre ce film, l'influence majeure des films de cannibales italiens sont les films Mondo; sorte de pseudo documentaire exotiques démontrant - de manière souvent fantaisiste - les cultures étrangères.

Mais c'est en 1972 que débute réellement l'explosion cannibale avec Il paese del sesso selvaggio (The Man from Deep River) de Umberto Lenzi.

Largement inspiré par "A Man Called Horse", le film raconte l'histoire d'un aventurier qui se perd quelque part à la frontière de la Thailande et de la Birmanie pour être fait prisonnier par une tribu locale.

S'il est au début maltraité et utilisé comme esclave, il réussit peu à peu à gagner la confiance de ses ravisseurs au point d'en arriver à marier l'une des villageoise (interprétée par la plutôt jolie Me Me Lai, qui sera par la suite une régulière du film de cannibale italien). C'est au moment où il commence à trouver le bonheur qu'une tribu voisine - au moeurs un peu plus sauvage - arrive dans le décor...

Il paese del sesso selvaggio est un assez bon film même si le récit est trop souvent essoufflée par des scènes "chocs" inspirés du courant mondo qui n'apportent finalement pas grand-choses à l'histoire.

Ce film fera partie des fameux "Video Nasties".




Le succès d'Il paese del sesso selvaggio ne fut pas immense, mais suffisant pour qu'une suite se prépare. Mais le chaos qu'était le cinéma italien de l'époque fit en sorte que le résultat final ne fut ni une suite ni, tel que prévu au départ, dirigé par Umberto Lenzi. Ce fut plutôt un film de Reggero Deodato intitulé Ultimo mondo cannibale (Last Cannibal World).

Mettant encore une fois en vedette Me Me Lai dans le rôle d'une femme cannibale qui s'amourache du héros et cherche à le sauver plutôt que de le bouffer, Ultimo Mondo Canibal est un très bon film. Perdant moins de temps en préambules que le précédent, l'action arrive assez rapidement et le film n'est pas avare de scènes assez gore, en particulier celle, très réussi et très convaincante, d'une femme se faisant dépecer, cuire puis manger.


Ce film sera le déclenchement de ce que les érudits du Z appelleront par la suite le "cannibal boom". Les films de cannibales se mettent à pleuvoir.







Cette déferlante de films de cannibales commence la même année (1977) avec le fameux Emanuelle e gli ultimi cannibali (Emanuelle and the Last Cannibals), un film de Joe d'Amato avec Laura Gemser. Là où les films précèdent n'offraient au cinéphile un peu voyeur que de rares et furtifs plans sur de jolies poitrines d'indigènes, D'Amato, fidèle à lui-même, y va pour une dose massive de nudité gratuite et de sexe.

Ça n'empêche pas Emanuelle e gli ultimi cannibali d'être une excellente entrée dans le genre et un des meilleurs films avec Laura Gemser.

Tandis que la journaliste Emanuelle enquête incognito dans un hôpital psychiatrique en s'y faisant passer pour une patiente, elle voit une jeune patiente mordre a pleine dents le sein d'une infirmière. Intriguée, elle la calme en lui caressant adroitement la vulve et apprend que cette jolie blonde vorace aurait été élevée dans la jungle amazonienne par une tribu de cannibales. Avide de scoop, notre reporter intrépide organise une expédition à la recherche de cette tribu.






La formula s'avère gagnante et D'Amato récidive l'année suivante avec Papaya dei Caraibi (Papaya, Love Goddess of the Cannibals), cette fois-ci avec l'actrice Anna Maria Napolitano (mieux connu sous le pseudo de Melissa Chimenti) qui est aussi, a l'époque, une star de la musique disco.

Joe D'Amato n'est pas, lui-même, un grand amateur d'horreur et, par rapport à Emanuelle e gli ultimi cannibali, il réduit ici le cannibalisme au minimum et augmente l'érotisme au maximum. Il s'y caresse beaucoup plus de clitoris qu'il ne se s'y dévore de pancréas.

C'est un film, somme toute, de peu d'intérêt.

Cette même année, 1978, verra deux autres films de cannibales: La montagna del dio cannibale (avec Ursula Andress) et un étrange film indonésien intitulé simplement Primitif.




Jusque là, tous les films de cannibales, sans exception, opposent de "gentils blancs" à des autochtones violents et dégénérés, comme si, en dehors de l'Europe et de l'Amérique du Nord, le monde était peuplé uniquement de sauvages sanguinaires.

Avant de crier au racisme, il n'y a qu'un pas, mais en 1980 un film vient changer la donne: Cannibal Holocaust.

Réalisé par Ruggero Deodato - qui avait déjà plus ou moins parti le bal avec son Ultimo mondo cannibale - Cannibal Holocaust renverse la tendance et nous montre des blancs cruels et sans pitiés contre des "sauvages cannibales" qui, eux, ne dérangent personne et ne demandent qu'à vivre leurs petites vies tranquille au tréfonds de la jungle.

La prémisse, bien sûr, est tout aussi erroné, mais au moins ça change le mal de place et ébranle un peu les stéréotypes.


Cannibal Holocaust n'est pas seulement le meilleur film de cannibales, c'est aussi l'un des meilleurs films d'horreur de tous les temps.





Tandis que l'Italie révolutionne le genre avec Cannibal Holocaust, la France, grâce aux studios d'Eurociné et de son génial réalisateur Jess Franco, le fait descendre à un niveau de médiocrité que personne ne pouvait soupçonner.

Les cannibales (White Cannibal Queen) est un film d'un ridicule ahurissant. Il réussit pourtant à divertir quand même grâce au sens de l'esthétique dans l'absurde de son réalisateur, a l'excellent jeu d'Al Cliver - toujours professionnel, peut importe la daube dans lequel il joue - et à la beauté incroyable de Sabrina Seggiani qui, même si elle n'a que 17 ans, se trimballe presque à poil pendant pratiquement tout le film.

La même année, Jess Franco réalise aussi Il cacciatore di uomini (Sexo Cannibal).


Toujours en 1980, Umberto Lenzi nous présente Mangiati vivi! (Eaten Alive by the Cannibals!), qui sonne aussi le retour de notre cannibale préférée: Me Me Lai.

La force de Cannibal Holocaust, en quelque sorte, a fait souffrir le genre; les films cherchent maintenant à se démarquer par tous les moyens possibles. Umberto Lenzi le fait ici en ajoutant une bonne dose de viol et autre sévices sexuel à son film. Le résultat est un film intéressant, mais la trop grande recherche de simple "shock value" et la réutilisation abusive de scènes d'autres films de cannibales en font une entrée relativement banale dans le genre.

Cette même année 1980 - définitivement l'année la plus prolifique en films de cannibales de l'histoire - vit aussi deux autres films; une parodie du genre, We're Going to Eat You, de l'excellent réalisateur chinois Tsui Hark et une autre érotiquerie de Joe D'Amato intitulée Orgasmo Nero et mettant cette fois-ci en vedette Lucia Ramirez. J'adore Lucia Ramirez, mais ce film là est plutôt ennuyant.



Après cette année prolifique (pas moins de neuf films de cannibale juste en 1980), 1981 s'avère plus tranquille avec seulement deux films. Terror Caníbal, est un film français d'Alain Deruelle et n'est pas grand-chose d'autre qu'un remontage de scènes piquées à Jess Franco. Le second obtiendra plus de notoriété puisqu'il s'agit du fameux Cannibal Ferox (Make Them Die Slowly!) d'Umberto Lenzi.

Supposé être le deuxième meilleur film de cannibale après Cannibal Holocaust, il est aussi supposé être le film le plus violent jamais tourné et être banni dans 33 pays (ce qui lui vaut une mention dans le livre des records Guinness).

Mais rendu là, le film de cannibale est déjà essoufflé. Cannibal Ferox n'apporte rien de nouveau sinon encore plus de scènes choc et d'animaux inutilement massacrés pour la gloire du série-Z.

Déjà, le "Cannibal boom" tire à sa fin.





Schiave bianche: violenza in Amazzonia (Amazonia: The Catherine Miles Story) de Mario Gariazzo sort en 1984. Il met de côté les éléments choc des films précédents et tente plutôt de raconter l'histoire (supposément vraie) d'une jeune femme blonde kidnappée par une tribu primitive. Si on a pris soin de bien filmer les seins et les fesses de notre blondasse et ses amies sauvageonnes, le film en demeure un peu long et ennuyant.

Ça se poursuit sur la même veine l'année suivante avec Nudo e Selvaggio (Massacre in Dinosaur Valley), un autre film qui profite éhontément du contexte "jungle" pour mettre toutes les actrices à poil (ou presque).

Nudo e Selvaggioiop, quand même, a le mérite de se prendre moins au sérieux que le précédent et dégage une ambiance série-z agréable. On sent toutefois le genre est totalement épuisé. La serviette a tellement été tordue qu'il n'en sort plus la moindre goûte.


Natura contro (Against Nature) sort en 1988 et apporte le point final. Réalisé par Antonio Climati, un expert du documentaire mondo, le film renoue avec le style des débuts mais l'énergie n'y est plus et le public en a marre. Malgré la tentative d'en mousser les ventes en l'affublant du titre mensonger "Cannibal Holocaust II", le film est un flop.

Par la suite, seul Bruno Mattei osera s'attaquer au genre avec deux films: Nella Terra dei Cannibali et Mondo Cannibal tout deux sortis en 2003.

Il ne s'est pas fait que des chefs-d'oeuvre, mais cette époque du cinéma est unique. Les moeurs modernes et la politically correctness typique de notre société en rend la réalisation de nouveau impossible. Mais c'est peut-être très bien ainsi.

Le cannibale primitif vivant dans le tréfonds inexploré de la planète ne fait plus peur. Celui qui effraie, maintenant, c'est celui qui est en ville, qui porte un veston et une cravate et est peut-être votre voisin.

C'est de lui, aujourd'hui, dont le cinéma se préoccupe.



7 comments:

  1. Pfff... Il est trop long ce post !
    ;D

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  2. oui il est long, mais il y a une photo du vagin de Laura Gemser!!

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  3. J'ai mis le paquet... mais j'ai quand même oublié Zombie Holocaust! Misère...

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  4. En 2007, il y a eu aussi le film "welcome to the jungle" qui n'était pas trop mauvais. Mais en tout cas, tu nous as fait un bel article bien détaillé.

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  5. oh, jamais entendu parler de celui là.. Il est bien?

    J'ai oublié The Emerald Jungle de John Boorman aussi.

    Ça m'apprendra à essayer d'être complet! :)

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  6. Oui je te le conseille, je pense que t'apprécieras même si ca vaut pas "cannibal holocaust". C'est une des plus récentes tentatives de faire renaitre le film de cannibales.

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